Notre légende

“ C’est un crémant que je fabrique moi-même,
répondit l’abbé… ”

“ Quand les deux camps se retirent,
le calme se fait sur le vallon et l’on peut arpenter sans crainte les vignes qui s’y trouvent.”

La lumière du soir est magnifique.
On dirait que le vallon luit. ”


Il y a fort longtemps,

le village de Saint Pey de Castets était réputé pour être l’objet de batailles entre les Anglais et les Français. En quelques décennies, la commune passa en effet plus de dix fois entre les mains d’un camp et de l’autre ! Le territoire se trouvait d’ailleurs si souvent en état de siège qu’on disait que celui qui ne passait pas par Saint Pey n’était pas un bon soldat…

Un jour

que les combats faisaient rage, la légende raconte qu’un soldat anglais, gravement blessé, se réfugia dans le prieuré du village. Mais alors qu’il poussait la porte-arrière de la bâtisse pour s’y réfugier, il tomba nez à nez avec l’abbé de l’époque qui était français. Croyant se faire dénoncer sur le champ, il rebroussa aussitôt chemin, malgré la douleur que lui infligeaient ses plaies.Il tenta de courir quelques mètres mais s’évanouit au bout de quelques pas…

À son réveil,

sa surprise fut grande. Non seulement l’abbé ne l’avait pas dénoncé mais il l’avait transporté à l’intérieur du prieuré et était en train de soigner ses blessures. Soulagé d’être tombé sur une âme aussi charitable, le soldat le remercia : il savait bien le français et le comprenait parfaitement. L’abbé, quant à lui, expliqua au soldat qu’il avait besoin de repos et qu’il lui faudrait rester alité quelques jours avant de rejoindre les siens. Le soldat anglais resta donc caché presque deux semaines dans le prieuré.

L’abbé s’occupa de lui tous les jours de son convalescence : il refaisait ses bandages et lui apportait de quoi se nourrir. Un jour, il apporta au soldat une bouteille pleine d’une boisson pétillante qu’il avait lui-même concoctée.

Le jeune anglais se délecta et demanda avec enthousiasme à l’abbé ce qu’il avait bu.

C’est un crémant que je fabrique moi-même, répondit l’abbé. On l’appelle ainsi parce que les fines bulles, en remontant à la surface, créent une mousse aussi délicate qu’une crème.

Mais comment fais-tu pour récolter ton raisin sans danger ? interrogea le soldat.

– J’attends le crépuscule puisque les combats cessent avec le coucher du soleil, dit l’abbé. Quand les deux camps se retirent, le calme se fait sur le vallon et l’on peut arpenter sans crainte les vignes qui s’y trouvent. La lumière du soir est magnifique. On dirait que le vallon luit.

– Le vallon luit, répéta songeusement le soldat, charmé par l’image.

Au bout de sa convalescence, le soldat dut se résoudre à partir. Il était triste de quitter l’abbé avec qui il avait lié une amitié qui démentait la haine que se portaient les armées rivales.

L’abbé, dans sa générosité habituelle, lui confia deux bouteilles du crémant qu’il avait tant apprécié.

En souvenir de notre amitié, dit l’abbé en lui tendant les bouteilles.

– Le  vallon luit… murmura le  soldat, en  serrant la main de son ami.

On raconte que le soldat anglais, de retour parmi les siens, fit goûter à ses confrères la boisson de l’abbé. On dit qu’ils aimèrent tant le breuvage qu’ils n’hésitaient pas à s’échapper de leur camp pour se rendre au prieuré et y demander une bouteille de “ vallon luit ”.

L’expression est depuis restée mais à cause de la prononciation à l’anglaise, on a fini par croire qu’il s’agissait du nom d’un certain “ Vallon Louis ”.

La légende de Louis Vallon était née…